Cycle de la dépendance et accès à l’autonomie
Parce que les situations de dépendance existent dans nos quotidiens et nous préviennent de faire l’expérience de l’autonomie, je mets aujourd’hui le focus sur un nouvel outil de conscientisation : le cycle de la dépendance de Katherine Symor.


Katherine Symor est une analyste transactionnelle américaine ayant travaillé dans les années 1970 avec des membres de groupes opprimés, des femmes américaines dont les options étaient, à cette époque, très limitées en conséquence de structures sociales, politiques et économiques. Ces restrictions de choix sont en elles-même une oppression.
Au travers de ses études de groupes de femmes opprimées, elle a mis en évidence un cycle permettant d’ accéder à l’autonomie : le cycle de la dépendance, dont les applications vont bien plus loin que la population objet de l’étude car il peut être identifié dans tous les contextes de la vie que ce soit professionnel, familial, amoureux, amicaux, politiques, sociaux, mais aussi tout simplement le développement de l’enfant.
Katherine Symor précise que le cycle de la dépendance n’est pas linéaire et que la personne fait à nouveau l’expérience de la dépendance une fois confrontée à un problème nouveau. Mais dans ce cas, les cycles sont bien plus rapides. En effet, la personne résout ces nouveaux problèmes chaque fois avec un niveau d’autonomie accrue.
Le concept développé par Katherine Symor sur l’autonomie – qu’elle a appelé le cycle de la dépendance — montre que c’est un processus en 4 étapes au cœur de notre développement et de notre croissance. Il décrit notre accès à l’autonomie par rapport à une figure d’autorité.
Le cycle de l’autonomie est à l’image du développement de tout être humain qui passe par différentes étapes du nourrisson à l’adulte autonome.Nous sommes amenés à revivre un processus semblable dans nos relations à des personnes ou des organisations qui représentent pour nous une autorité de compétence, de pouvoir ou d’influence. Sur les sujets qu’elle a développés, Katherine Symor a repéré qu’il n’est pas possible de passer d’une position de vie -/+ directement à une position +/+.
Dans le cycle de la dépendance, chaque étape doit être franchie pour passer à l’étape suivante.
Dépendance |
Contre-Dépendance |
Indépendance |
Inter-dépendance |
Symbiose et soumission à l’autre. Prendre connaissance de notre métier, de notre nouveau poste ou bien de notre rôle dans un projet. |
J’existe par rapport et en opposition à l’autre. La personne commence à maîtriser sa fonction. Désir d’affirmation de soi |
Je n’ai plus besoin de l’autre pour exister. Ayant assimilé mon rôle, je fonctionne seul dans une relation client fournisseur |
Je peux faire seul et j’ai compris que je suis plus puissant à plusieurs. Je peux être en symbiose avec une soumission appropriée. |
Le béni oui-oui (toujours d’accord) ou se pose en victime |
Le hérisson (toujours opposé) ou adopte un rôle d’accusateur |
Le polisson (travaille seul sans reporting) ou est individualiste |
L’unisson du groupe (bien qu’avec ce groupe) ou cherche à dominer |
- / + |
- / - |
+ / - |
+ / + |
1. Dépendance
La dépendance est une phase de soumission à l’autre. L’autre est responsable des choix, des actions et des résultats. La personne dépendante a besoin des autres pour obtenir ce qu’elle veut.La personne dans cette phase se sent démunie et pense qu’il n’est pas possible de faire évoluer la situation.
Si elle est pathologique, elle correspond au rôle de Victime dans le triangle dramatique. Lorsqu’elle est authentique, elle répond à une situation d’oppression, d’inégalités et de manquements réels.
Par exemple dans le contexte familial, le bébé est dépendant de ses parents pour se nourrir, se laver, se vêtir…
Dans le contexte professionnel, il peut s’agir par exemple de la phase de formation d’un junior récemment embauché. Phase durant laquelle il ne sera pas mis en contact direct avec des clients ou n’aura pas de responsabilité budgétaire…
2. Contre-dépendance
Cette phase est celle de la rébellion, du rejet en bloc de ceux dont la personne était dépendante. Elle se caractérise par la colère, l’hostilité. Elle est nécessaire et doit être expérimentée pour passer à l’étape suivante. Lorsqu’elle est pathologique, elle se caractérise par un rôle de Persécuteur dans le triangle dramatique ou de l’agressivité passive. Si elle est authentique, elle est fondée sur une vision claire des déficiences et manquements des personnes et systèmes dont la personne était dépendante.
Par exemple dans le contexte familial, l’adolescence est un exemple parlant d’une phase de contre-dépendance exprimée au travers de phrase comme “Vous ne comprenez jamais rien, “Vous êtes trop nuls.”…(je vous fais la version soft !).
Dans le contexte professionnel, il peut par exemple s’agir du moment ou ce même jeune embauche prend ses premières responsabilités et se positionne comme “sachant mieux que les seniors qui ne connaissent rien aux nouvelles méthodes et techniques”…
3. Indépendance
L’indépendance est la phase durant laquelle la personne est responsable des choix, des actions et des résultats. C’est une étape de conscience de ses valeurs, de son identité, de son unicité. La personne indépendante peut obtenir ce quelle veut par ses propres moyens. C’est une étape de séparation durant laquelle l’envie de tout plaquer (son job, son conjoint,…) peut être forte. Il est donc important de bien différencier indépendance d’une simple réaction égoïste à la dépendance. Si elle est pathologique elle prend la forme du rôle de Sauveur dans le triangle dramatique. Si elle est authentique elle permet l’exploration saine de nouveaux systèmes, de nouvelles structures et normes.
Par exemple, dans le domaine familial, le jeune adulte, émotionnellement indépendant, pourra prendre son indépendance en ne partageant plus ses expériences avec ses parents.
Dans le domaine professionnel, le jeune consultant, intellectuellement indépendant, pourra faire l’expérience de son poste sans ressentir le besoin de partager ces expériences avec ses collègues ni de les solliciter pour obtenir leurs points de vue, leur expertise.
L’indépendance n’est pas la dernière étape vers l’autonomie car penser de façon indépendante ne convient pas dans un monde de relations d’interdépendance. Par exemple dans le contexte professionnel : les personnes indépendantes sont de bons travailleurs, mais ne sont pas des leaders ou des atouts au sein d’une équipe.
4. Interdépendance
L’interdépendance est la phase du nous. Nous sommes responsable des choix, des actions et des résultats. Nous combinons nos talents et nos capacités pour créer quelque chose d’encore mieux.
La personne interdépendante combine ses actions et son énergie avec ceux de l’autre pour obtenir de meilleurs résultats. Elle s’épanouit et se développe dans sa relation avec l’autre. C’est une phase de maturité avancée.
Lorsqu’elle est authentique c’est une phase de conscience et de sens profond des options et de l’autonomie.
Par exemple, dans le domaine familial, le jeune adulte émotionnellement indépendant reconnait qu’il a besoin de donner et de recevoir de l’amour. Il partage ses difficultés et ses réussites avec ses parents et ensembles, ils apportent des solutions et construisent des projets.
Dans le domaine professionnel, le jeune consultant, intellectuellement indépendant réalise qu’il peut s’appuyer sur la réflexion des autres en complément de la sienne. Il a l’esprit d’équipe et sait s’appuyer sur les compétences de ses collègues pour apporter plus de satisfaction a ses clients.
Quelle difficulté je peux rencontrer pour atteindre l’autre stade?
Quel pourrait être le rôle de la figure d’autorité dans ce changement?
1 - Dépendance :
Je reçois de cette autorité la sécurité, la protection, les informations et règles pour agir, la reconnaissance (positive ou négative) dans mon apprentissage ou suite à mes actions. Cette relation me permet de me construire en recevant.
Je quitte progressivement cette dépendance en faisant le deuil de la sécurité qu’elle m’apporte…
J’accepte l’idée que l’autre pense différemment et mon attitude le permet.
2. Contre-dépendance :
Je prends le contre-pied des règles et directives de cette autorité, je m’intéresse aux informations issues d’un point de vue différent du sien. Je m’appuie sur ce qu’elle m’apporte pour trouver ma consistance en me démarquant, en la critiquant. J’ai besoin de la fermeté de ses positions car dans cette relation je me construis en m’opposant.
Je quitte cette position en faisant le deuil du plaisir de m’opposer, en osant ma solitude.
J’accepte l’idée que l’autre puisse travailler sans mon aide.
3. Indépendance :
J’ai assez d’assurance pour voler de mes propres ailes. J’ai besoin de poursuivre ma croissance seul, avec mes propres démarches, mes propres sources d’information, mes propres options. Je ne fais plus référence à cette autorité. J’ai besoin qu’elle accepte de me laisser poursuivre mon chemin à ma façon, qu’elle permette, voire protège mon indépendance. Je me construis en naviguant avec mes propres cartes et ma propre boussole.
Je quitte cette position en accueillant les limites de ce que je peux faire seul, en faisant le deuil du plaisir que j’y trouve et en m’ouvrant aux richesses et contraintes d’une relation
J’accepte l’idée que nous puissions travailler entre «pairs» sur certains sujets.
4. Interdépendance :
Je rentre dans une relation d’échanges réciproques avec cette ancienne figure d’autorité qui devient maintenant partenaire (à la condition qu’elle soit ouverte à cette qualité de relation). Nous accédons à un enrichissement mutuel. Je lui apporte et elle m’apporte. Nous fonctionnons sur la base du partage, d’un échange équilibré de services et d’informations sur la base de négociations et contrats, sans rapport de force. Nous nous construisons ensemble. On peut ajouté à ce concept la question du « Sens ». Nous sommes en fonction des situations, tous dans l’une des étapes de l’autonomie. Et y être à l’aise demande que cela ait du sens.
Écrire commentaire
Patco (mardi, 28 avril 2020 09:09)
Bonjour
J'ai du mal à comprendre comment une indépendance pathologique peut prendre la forme du Sauveur dans le triangle dramatique. Pourriez vous développer cette notion ou donner un exemple .
Merci
Patco (lundi, 04 mai 2020 12:20)
Bonjour
Une autre question.
Des théoriciens en psychologie parlent aussi de co dépendance ( Erik Berne notamment). Ce concept peut il s'insèrer ou se rapprocher des 3 types de dépendances dont vous parlez dans votre texte ?
Merci